Data center IA : enjeux, innovations et avenir des centres de données avec l’intelligence artificielle
Présentée il y a quelques années encore comme de la pure science-fiction, l’intelligence artificielle est aujourd’hui une réalité concrète dans de nombreux domaines professionnels. Les exemples ne manquent pas : ChatGPT, bots, automatisation de flux de gestion, analyse prédictive… Finalement, toutes les entreprises peuvent tirer parti de l’IA et trouver des applications pratiques qui répondent à leurs attentes. Mais l’IA nécessite des data centers. Quels sont les impacts de cette innovation sur les consommations énergétiques et sur la sécurité ? Voici tout ce qu’il faut savoir au sujet d’un data center dédié à l’IA.
Définition et rôle des data centers à l’ère de l’intelligence artificielle
Un data center dédié à l’IA est une infrastructure physique spécialisée dans l’hébergement et l’exploitation de ressources en lien avec l’intelligence artificielle (données stratégiques et applications). Cette infrastructure permet de stocker, de gérer et de diffuser de grandes quantités de données par le biais d’un réseau de serveurs, de systèmes de stockage et d’autres composants informatiques.
Ainsi, un data center IA doit être en capacité d’exploiter des charges de travail massives liées à des technologies innovantes : entraînement de modèles de machine learning, deep learning, ou encore traitement du langage naturel.
En pratique, un data center dédié à l’IA doit intégrer des équipements de pointe adaptés aux enjeux informatiques de l’intelligence artificielle, comme des serveurs accélérés par GPU ou TPU, des réseaux à très haut débit, et des systèmes de stockage ultra-rapides. Ces infrastructures sont capables de traiter d’immenses volumes de données en temps réel, et restent incontournables au regard de l’impact de l’IA sur la répartition des workloads.
Bon à savoir
Dans un data center IA, le classique CPU (Central Processing Unit) est remplacé par un GPU (Graphic Processing Unit) 100 fois plus performant, ou par un TPU (Tensor Processing Unit, un circuit intégré développé par Google pour accélérer les systèmes d’IA) environ 2,5 fois plus performant que les GPU déployés actuellement dans les super calculateurs. On estime à plusieurs milliers (voire dizaines de milliers) le nombre de GPU nécessaires à l’entraînement des grands modèles d’IA comme GPT-4.
Le rôle d’un tel data center est déterminant, car l’exploitation de modèles avancés nécessite à la fois une exceptionnelle puissance de calcul (via des clusters de GPU fonctionnant en parallèle), des capacités de stockage massives (doublées d’architectures évolutives et performantes) et une gestion thermique avancée (l’intensité des calculs générant une chaleur considérable). À titre d’exemple, un data center IA utilise des systèmes de refroidissement innovants comme le liquid cooling, afin de garantir la stabilité et l’efficacité énergétique des équipements.
La maîtrise des consommations énergétiques : un enjeu majeur pour les datacenters
La maîtrise de l’impact carbone est désormais un enjeu clé pour les acteurs économiques. En la matière, les datacenters ne bénéficient pas nécessairement d’une bonne image sur le marché et ont été largement montrés du doigt en raison de leur consommation énergétique. Dans ce contexte, depuis maintenant plusieurs années, les datacenters investissent massivement pour construire des bâtiments économes en énergie ou pour moderniser leurs infrastructures historiques. Cela se traduit par une diminution significative de leur impact carbone.
Pour autant, les usages récents liés notamment à la montée en puissance de l’intelligence artificielle ont accru les besoins de puissance de calculs intensifs (HPC), et ont créé de nouveaux défis… mais aussi de nouvelles opportunités.
Les défis techniques liés à l’IA
Le défi le plus important auquel fait face un data center dédié à l’IA a trait à la consommation d’énergie.
En effet, les data centers représentent 2 à 3 % de la consommation électrique mondiale : l’équivalent de celle de l’Argentine ou de la Pologne. Et l’utilisation massive de l’intelligence artificielle tend à faire croître le besoin. Ainsi, la puissance moyenne d’un cluster IA peut atteindre plusieurs mégawatts, avec des densités de puissance dans les racks allant de 10 à 20 kW. Une étude du Boston Consulting Group estime que la demande énergétique des data centers devrait croître de 16 % par an jusqu’en 2028, avec l’IA générative qui représentera 60 % de cette croissance (dont 30 % rien que pour l’entraînement des grands modèles de langage de type GPT).
Heureusement, les acteurs de l’hébergement d’infrastructures sont engagés dans la réduction de la consommation énergétique. Selon le Uptime Institute, le PUE moyen (Power Usage Effectiveness) des data centers est passé de 2,5 en 2007 à 1,58 en 2023. Sachant que les data centers les plus performants, comme ceux de Google ou de Meta, peuvent afficher un PUE de 1,1. En parallèle, le refroidissement (un poste qui représente, à lui seul, entre 30 et 40 % de la facture énergétique d’un centre de données) est grandement optimisé par des techniques comme le free cooling, l’immersion cooling ou le direct liquid cooling.
À cela, il faut ajouter d’autres leviers de réduction ou de rationalisation de la consommation d’énergie :
- la gestion fine des serveurs pour réduire la consommation en mode inactif (jusqu’à 30 à 40 % de moins) ;
- l’utilisation de procédés comme la trigénération, qui permet de produire et de valoriser simultanément de l’énergie électrique, de la chaleur et du froid ;
- la récupération de la chaleur fatale et son transfert vers d’autres utilisateurs ;
- le basculement du traitement des données d’un data center vers un autre, situé dans une autre zone géographique, de manière à alléger la consommation électrique locale.
Les opportunités offertes par l’IA
L’IA ouvre des perspectives attractives pour les data centers, ceux-ci ayant l’opportunité de se transformer en moteurs d’innovation et de création de valeur. Quelques exemples :
- Utiliser l’IA pour optimiser l’exploitation des centres de données en améliorant leur efficacité énergétique et opérationnelle. Par exemple, en ayant recours à des algorithmes prédictifs pour modéliser la consommation électrique, anticiper les pics de charge, et ajuster en temps réel le refroidissement ou la répartition des ressources, réduisant ainsi les coûts et l’empreinte carbone.
- Développer des marchés émergents avec de nouveaux usages, en stimulant les investissements dans des data centers de nouvelle génération, rendant possible le développement d’applications innovantes dans la santé, la finance, l’industrie ou la mobilité.
- Favoriser la création de valeur en donnant l’opportunité aux opérateurs de proposer des services plus fiables, plus flexibles et plus performants, tout en maîtrisant les coûts énergétiques et environnementaux.
Quels sont les projets en cours en France et à l’international ?
Les investissements dans les data centers et l’IA atteignent, en France, des montants colossaux qui témoignent d’une dynamique puissante. Le marché français des centres de données est ainsi estimé à 5,2 milliards de dollars en 2025, avec une croissance annuelle prévue de 7,6 % jusqu’en 2030 (pour atteindre environ 7,5 milliards de dollars), pour 300 infrastructures existantes. Parmi les projets majeurs en développement :
- Prologis prévoit un investissement de 6,4 milliards d’euros pour construire de nouveaux entrepôts et le financement de quatre data centers géants.
- Le fonds canadien Brookfield investit 15 milliards d’euros pour développer un centre de données à Cambrai, dont la puissance maximale attendue sera de 1 gigawatt – l’équivalent de la consommation d’une ville de 1 million d’habitants.
- L’Élysée a annoncé l’édification de 35 data centers de grande taille pour répondre aux besoins de l’intelligence artificielle.
Du côté de Telehouse et de son développement à l’international, citons :
- L’acquisition de trois data centers et leurs actifs à Toronto, en 2023, pour 1,35 milliard de dollars canadiens.
- L’ouverture d’un data center IA Ready sur le campus Telehouse TH3 Paris Magny : un hub de data centers d’une capacité de 3 mégawatts, et 2 000 mètres carrés d’espace IT dédié, conçu pour héberger des systèmes haute densité optimisés pour les exigences spécifiques des applications d’IA.
Au global, la demande en centres de données devrait augmenter de 20 % par an d’ici à 2030, selon une évaluation du cabinet McKinsey. Cela, dans le but de supporter les charges dues à l’intelligence artificielle.
L’impact de l’IA dans la cyber-sécurisation des datacenters
Sur ce point, nous pouvons présenter deux exemples concrets. Certains systèmes de cyberprotection s’appuient notamment sur l’IA pour détecter des menaces complexes qui pourraient impacter le fonctionnement des datacenters.
Mais ce n’est pas tout, nous pouvons aussi évoquer des initiatives encore plus innovantes qui permettent de détecter des signaux faibles de dysfonctionnements électriques qui pourraient amener à un incendie et avoir des conséquences dramatiques comme celles qui ont notamment défrayé la chronique ces derniers mois et qui ont fortement desservi toute l’industrie des datacenters.
Perspectives : à quoi ressemblera le futur des data centers IA ?
Enfin, évoquons quelques perspectives pour les data centers dédiés à l’IA, dont l’essor soulève des questions sociétales déterminantes. D’une part, ces infrastructures sont indispensables pour soutenir la révolution numérique, créer de nouveaux marchés et accélérer l’innovation. Mais d’autre part, leur croissance rapide fait face à des enjeux éthiques et environnementaux majeurs en matière de consommation d’énergie, d’empreinte carbone et d’utilisation des ressources foncières et hydriques.
En France, des voix s’élèvent d’ores et déjà pour remettre en cause le projet de loi relatif à la simplification de la vie économique, qui vise à accélérer la construction de vastes data centers, et à les imposer aux collectivités locales et à la population en leur attribuant le label « projet d’intérêt national majeur ». Ce label limite le recours aux consultations publiques, et permet à l’État de réécrire les plans locaux d’urbanisme pour les adapter aux projets concernés. D’autres enjeux viennent s’y ajouter, en lien notamment avec la gestion des données, l’équité d’accès aux bénéfices de l’IA, et la souveraineté numérique.
En somme, l’avenir des data centers ne se réduit pas à une affaire de performance technique : il s’agit d’engager une réflexion sociétale plus vaste, de façon à concilier innovation, protection de l’environnement et respect des droits des citoyens.