Entretien avec Hanane Pelissier, directrice des achats et budget control Telehouse France

Hanane Pelissier, directrice des achats et budget control de Telehouse France, filiale et marque datacenter du géant nippon des télécommunications KDDI, détaille les grands axes de sa feuille de route. Avec son équipe, elle porte notamment une attention toute particulière à l’approvisionnement en électricité. Entretien :

Compte-tenu de son poids grandissant, comment appréhendez-vous l’achat d’énergie ?

Notre industrie requiert un niveau de disponibilité énergétique constant et conséquent. Nous nous engageons à offrir un service continu, 24h/24, 7j/7, peu importe les circonstances. Nous devons donc nous assurer d’avoir en capacité suffisante de l’énergie pour faire tourner nos datacenters. Nous ne pouvons pas nous permettre d’en manquer, au risque de voir le réseau s’immobiliser. Nous comptons des générateurs de secours si un jour, le réseau venait à s’arrêter. Nous multiplions également les contacts avec les distributeurs du marché et avons des accords avec des fournisseurs de fioul pour se parer à des cas exceptionnels.

Le poids de l’énergie sur notre P&L ne fait que croître

Nos dépenses en matière énergétique ont par ailleurs évolué fortement ces dernières années. Le poids de l’énergie sur notre P&L ne fait que croître. Les datacenters est une industrie électro intensive, ce qui fait, qu’avec la crise, nous étions dans l’œil du cyclone. Dans ce contexte, notre mission première est d’accompagner nos clients et de faire en sorte que cette crise soit la moins impactante pour eux. Nous travaillons donc sans cesse sur la réduction de nos consommations. Nous alignons nos objectifs environnementaux et économiques. Au demeurant, moins nous consommerons, plus nous serons vertueux et plus nous générerons des économies pour nos clients. Cela implique de monter un plan d’action pour maîtriser et réduire notre consommation. Nous avons pour cela mis en place un plan de sobriété qui suit son cours.

Nous nous appuyons par ailleurs sur des stratégies d’achats d’énergie à moyen, voire long terme, de manière à sécuriser sur un certain nombre d’années notre approvisionnement en électricité. Pour limiter notre empreinte environnementale, la totalité de l’énergie que nous consommons provient aujourd’hui de sources renouvelables, que nous payons volontairement plus cher. Dans le même sens, nous pensons recourir à l’avenir à d’autres sources d’énergie renouvelables, sur le moyen terme, via des PPA. C’est pour nous un vrai sujet d’actualité et nous travaillons actuellement sur des projets de parcs photovoltaïques. Au-delà de profiter d’un prix relativement stable, nous pourrons continuer à sécuriser nos appros dans un contexte plus qu’incertain, avec cette crise sans précédent.

Derrière cet enjeu capacitaire en matière d’énergie, il y a la notion de risque. Comment la pilotez-vous ?

Le management du risque est un thème phare pour Telehouse. Le risque est un sujet transverse qui dépasse le seul cadre des Achats et que nous abordons au Comex. Au regard de notre activité et de ses exigences, nous devons être au fait de tous les risques. Le service design va se focaliser notamment sur les risques sécuritaires et opérationnels. Chaque département, appuyé du service qualité, réalise sa cartographie des risques, l’analyse de façon à caractériser leur degré d’importance et leurs sources potentielles pour les éviter ou, au moins, les mitiger. Tout est étudié au millimètre près pour garantir le bon fonctionnement de nos datacenters.

Pour limiter le risque, nous fonctionnons avec un panel de fournisseurs que nous avons voulu aussi large que ce qui est souhaitable

Aux Achats, cela consiste en la mise en place d’une stratégie de gestion de risques complète pour les limiter. Nous fonctionnons avec un panel de fournisseurs que nous avons voulu aussi large que ce qui est souhaitable. N’étant pas vraiment rassurée par les situations de mon-sourcing, j’invite mes équipes et les métiers à travailler par pools de fournisseurs pour chacune de nos catégories d’achat. Cela afin d’éviter des rapports de force qui nous sont défavorables ou, a contrario, des situations de dépendance marquées, assurer notre approvisionnement et être en mesure de délivrer, toujours, en temps et en heure. Encore une fois, nous ne pouvons pas nous permettre d’être en rupture, faute de quoi, comment pourrions-nous assurer une continuité de service à nos clients ?

Quelles sont les autres particularités de votre secteur d’activité auxquels votre direction doit impérativement se plier ?

Notre premier challenge reste le time to market. La gestion du temps est un vrai enjeu, une contrainte aussi. Le marché du datacenter monte en puissance et réclame que nous allions toujours plus vite. Le besoin se veut toujours plus pressant. La pandémie de Covid a d’ailleurs accéléré ce besoin et nous devons derrière suivre. Nous devons sortir nos solutions tel que cela a été planifié devant nos actionnaires. Nous ne pouvons dès lors pas nous permettre de prendre du retard.

Le délai de production ou de livraison a toujours été un critère majeur de choix. Mais la conjoncture actuelle accentue significativement l’importance de ce critère. C’est un vrai différenciateur, qui peut même devancer le critère prix, car il impacte directement notre time to market. La mise en place de partenariats solides avec des fournisseurs phares et leur consolidation nous aident dans notre quotidien.

Quels autres leviers actionnez-vous pour accompagner la croissance du groupe ?

Nous avons de grandes ambitions en matière environnementale et Telehouse perçoit cette donnée comme un facteur de croissance. notre objectif est simple : construire des datacenters vertueux. pour cela, nous ambitionnons de ne plus utiliser, ou presque, d’eau pour notre prochain datacenter, qui sera inauguré en octobre prochain sur le campus « Telehouse 3 », situé dans les yvelines (78), à magny-les-hameaux. nous cherchons sans relâche des moyens de réduire et limiter notre empreinte environnementale et pas seulement carbone. avant de lancer nos projets de datacenters, nous veillons à ce qu’ils s’insèrent durablement et solidement dans son environnement local.

En outre, Telehouse s’efforce d’obtenir des certifications pour exercer au mieux notre activité. nous avons obtenu la certification iso 5001 pour notre modèle de management énergétique et iso 14001 qui couvre nos actions environnementales ; la certification 9001 portant sur la mise en place d’un système de management de qualité, la certification iso 27001, norme internationale certifiant de la sécurité de nos systèmes d’information.

Quels sont vos prochains chantiers ?

L’un des projets phares sur lequel nous sommes actuellement impliqués est l’extension de notre campus à Magny-les-Hameaux. Ce projet se déroule sur cinq phases distinctes. La première, sur laquelle nous travaillons, consiste en la construction du datacenter, indépendant de celui existant. Le projet se pose sur un terrain de 12 000 m2 et une puissance de 18MW. Pour sa construction, nous sommes partis sur un design et une architecture écoresponsables, avec l’intégration de nouvelles technologies, afin de répondre aux enjeux de transition écologique. Les quatre autres phases démarreront très rapidement.